Le requin enclume : le stethacanthidae

Voici un requin bizarre : le stethacanthidae. C’est le premier « requin enclume » connu. Un requin qui a du affronter des prédateurs imprévus. Car les myxines et autres parasites n’ont plus assez de proies. Puisque les arthropodes sont en complet déclin à cause d’eux. Ces requins et les deniers agnathes ont quelque chose en commun : tous sont des espèces vivant dans l’eau douce ! Ainsi ils cohabitent avec les myxines et les lamproies. Cela engendre des conflits interminables.
Les myxines attaquent les articulations des arthropodes. Car elles font partie de leur système respiratoire. Alors les myxines cherchent à s’y introduire. Afin de faire ripaille comme des intrus. Puisque les myxines sont avant tout des parasites ! Mais avec le déclin des arthropodes, elles manquent cruellement de proies. Aussi elles essaient de changer de régime. Ainsi elles essayent de s’attaquer aux requins. Et elles s’attaquent aux articulations du requin. À ce moment, c’est un réflexe instinctif des myxines. Mais les requins ne sont pas des arthropodes. Ainsi même si cette attaque est efficace, et qu’elle nourrit la myxine, elle ne tue pas le requin,... et ceux-ci vont réagir !
D’abord ils développent des défenses. De petits organes plus durs que le corps apparaissent. Ils résistent à leur attaquer et s’allongent. Ils s’allongent afin que le moins de sang soit pompé. Ils s’allongent encore pour gesticuler et se débarrasser des parasites. Ensuite, ils deviennent des fouets ! Des fouets à la base des nageoires pectorales. Ce qui les protège de ces petits monstres.
Mais les mâles sont futés. Et ils profitent du désagrément de leurs dames, pour développer une particularité surprenante. Ainsi un nouveau comportement naît : le « grattage » ! Car la femelle refuse tout accouplement tant qu’elle a un parasite. Un parasite qui la gêne et la rend trop agressive. Aussi le mâle va l’en débarrasser pour s’accoupler.
« Les premiers gentlemen qui soient, et il a fallu que ce soit des requins ! Ça n’augure rien de bon pour la suite... Parce que les « requins » sont partout. Alors méfiez-vous d’eux, mesdames. Ce n’est pas parce qu’ils sont utiles qu’ils sont sympas. Un « requin » reste un « requin ». C’est-à-dire un grand solitaire du cœur. Bref, un grand égoïste ! » (Pascale Courtois)
En se frottant contre les femelles, les mâles se rendent utiles. Ils les débarrassent ainsi de ces parasites. Alors les femelles les acceptent. Elles acceptent ceux qui se rendent utiles. Dès lors, l’évolution s’en mêle ! Et voici que chez les mâles, deux zones différentes apparaissent. Deux zones où la peau se solidifie. Deux zones où la peau devient rêche. Une zone sur la tête et une autre sur le dos.
Ainsi la femelle accepte le mâle abrasif. Celui qui a la peau suffisamment rugueuse. Cette peau qui la débarrasse des parasites. Ainsi dans un premier temps, c’est une simple « abrasion ». Et le plus abrasif se reproduit. Ainsi l’évolution continue. Comme il y a beaucoup de concurrents auprès de ces dames, ils utilisent leur dos pour repousser leurs rivaux. Et voici qu’une protubérance leur pousse sur le dos. Mais toujours uniquement chez les mâles. C’est le plus « protubérant » qui se reproduit. Et toutes ces dames peuvent faire leur « toilette » chez lui. C’est-à-dire se débarrasser de parasites comme les lamproies. Pour que ce système soit efficace contre elles, il devient de plus en plus abrasif et donc agressif. Dès lors, des défenses cartilagineuses s’érigent en pointes. Des pointes qui vont blesser les lamproies qui restent accrochées. Sous la douleur, les lamproies lâchent leurs prises et s’enfuient.
Ainsi l’évolution continue et ce système se spécialise encore. Et d’un simple système abrasif on passe à de la défense. Ainsi ces zones deviennent des « boucliers solides ». Ainsi la protubérance devient une bosse proéminente. Et un cartilage solide et pointu s’y développe. Ainsi ils utilisent aussi leur dos pour repousser les amphibiens. Les gros amphibiens qui sont une évolution récente. Le système est si efficace qu’il évolue encore. Et voici que de la défense, on passe à l’attaque ! Car le cartilage de la peau se transforme en os. Ainsi des dents qui arrachent tout apparaissent. Elles apparaissent aux bons endroits : les 2 zones. La première est sur la tête comme bouclier. La deuxième est sur la bosse comme arme.

Ainsi les voici, ces « chevaliers de l’obscur » ! Des chevaliers sombres qui attaquent sous l’eau. Ils attaquent armés d’une enclume et d’un bouclier. Ils sont suivis de leurs femelles affamées ! Car c’est le propre des requins en meutes : il y a en a toujours une qui a faim ! Mais c’est le mâle qui commande. Et il sait comment garder ses femelles. Il les garde en les nourrissant ! Et il les nourrit avec une cible spécifique. Une cible d’habitude dangereuse. Cette cible est l’amphibien. Ainsi plus la bosse est haute, plus l’attaque est facile !
Ainsi naissent les premiers « requins enclumes ». Ainsi apparaissent les premiers stethacanthidaes. (Encore un nom scientifique merveilleusement compliqué.) Il vivait en eaux peu profondes. Il vivait parmi les amphibiens. Son enclume et sa tête étaient mortelles ! Car les amphibiens nagent en surface. Et lui nage juste en dessous d’eux. Il perçoit l’amphibien de loin. Comme il nage vite, il le dépasse. Comme tout requin qui se respecte, il fait un tour… Et lui fonce dessus !
La mâchoire des amphibiens est redoutable. Mais la surface solide de la tête du requin l’en protège. Les amphibiens ont un point faible : la zone ventrale. Aussi le requin ne fonce pas dans sa gueule, il fonce en dessous de lui ! Sa bosse munie de dents râpe son ventre. Là, l’amphibien saigne abondamment. Ce sang attire les femelles du requin qui apprécient le buffet. Ce buffet : un « tétrapode pathétique » se débattant dans l’eau. Le sang du tétrapode rappelle à tout le monde ce qu’est la faim ! Dès lors, tous attaquent ensemble le féroce amphibien ! Ce dernier, face à cette multitude, n’a aucune chance. Quant aux femelles, elles suivent celui qui offre le buffet. Ainsi mieux est la bosse, plus belle est la chance de procréation ! Ce système est si efficace, qu’il laisse une descendance. Il s’agit de l’akmonistion zangerli.

Toutefois, le déclin des amphibiens, a amené leur propre extinction. Aujourd’hui, il n’y a plus d’amphibiens. Des amphibiens redoutables comme autrefois. Ainsi la bosse n’a plus de raison d’être. Aussi elle a disparue. Mais ces requins ont aussi disparu pour une autre raison : l’arrivée d’autres prédateurs. Des prédateurs encore plus dangereux qu’eux ! Ce sont les reptiles qui retournent à l’eau. Il faut dire qu’avec les reptiles aquatiques, les parages devenaient dangereux,... même pour les requins ! Car ces reptiles sont autres. Ce ne sont pas des amphibiens. Ce sont des « reptiles souverains » ! Et ceux-là se sont adaptés.

Car contrairement aux amphibiens, ces reptiles plongent ! Ils plongent et nagent sous l’eau. Ils nagent près des fonds hors de portée des requins enclumes. Car ceux-ci sont des requins de surface. Et non des requins généralistes vivant dans les fonds. Ce sont les nothosaures et les crocodilomorphes. L’attaque de ces requins sera inefficace contre eux. Car les reptiles sont prévus pour aller en profondeur. En dessous du seuil d’attaque des requins enclumes. Ce changement de stratégie désoriente les requins.
De plus les requins ont, eux-mêmes, un point faible : ils ne peuvent pas faire certains mouvements car ils ont un aquamètre primitif dans leur hypothalamus. Celui-ci les oriente vis-à-vis de la surface mais est limité. Ainsi il y a des informations qu’il ne sait pas traiter. Ainsi il y a des sensations qui le désorientent. Ainsi ce système d’orientation est fragile.
« Une fois retourné sur le dos, le requin est aussi groggy que toi quand tu tournes dans l’eau. En te mettant en boule, tu tournes,... Tu tournes verticalement sans arrêt,… Ainsi tu ne sais plus où est la surface. Et tu finis par avoir un fameux malaise. Cependant, tu es un mammifère évolué. Possédant un cerveau reptilien primitif. C’est-à-dire un cerveau plus évolué. C’est-à-dire un cerveau plus adapté. C’est-à-dire un cerveau plus riche en informations. Des informations qui circulent dans tes gênes. Sans même que tu ne t’en rendes comptes. Cependant, le cerveau du requin a peu évolué. Il est toujours primitif et limité. Aussi ce fameux malaise, le requin l’a tout de suite ! » (Pascale Courtois)
Ainsi il ne peut tourner verticalement sur lui-même. Tourner dans l’eau comme le fait un dauphin. Ce qui limite ses mouvements face aux reptiles. Ceux-ci sont plus évolués que le requin. Et eux, ils se tournent dans tous les sens ! Ainsi les reptiles peuvent mieux attaquer. Attaquer à partir de n’importe quelle position. Ce que ne peuvent pas faire les requins. Ils ont besoins d’une cible placée en hauteur. Et non une cible cachée en dessous d’eux ! Une cible avec des dents redoutables ! Dès lors, ce sont eux qui deviennent des cibles.
Ainsi ces requins deviennent désuets. Ils finissent par disparaître à tout jamais. Mais le vide qu’ils laissent est vite remplacé. Remplacé les reptiles et leur souveraineté. Cependant du Carbonifère au Permien, ces requins étranges s’épanouissent. Toutefois, les requins spécialisés pour un type d’espèce, vont tous disparaître en perdant leur nourriture car l’arrivée des reptiles aquatiques vont les détrôner. Les seuls à survivre sont les requins généralistes. Ceux qui survivent en s’attaquant à n’importe quoi. Car ils peuvent changer de régimes alimentaires. Aussi ils s’adaptent à n’importe quelle situation. Leur vitesse les sauvera face aux reptiles marins.